Le Mana maori

Publié le par Yantra

Société, Tuamotu, Marquises... Tahiti, Moorea, Bora Bora... à eux-seuls, ces noms sont un voyage. La Polynésie, ce sont 5 archipels et 118 îles et atolls, confettis posés entre ciel et mer au milieu du plus vaste océan de la planète.

Paysage de Polynésie

La promesse de lagons turquoise ou céladon (vert céladon, une nuance de vert), de motu (mot tahitien, petit îlot de sable corallien) de sable blanc, de récifs coralliens, loin du monde. Mais au-delà des eaux limpides et de la sarabande de cocotiers, les îles vibrent du mana, une énergie spirituelle vitale au cœur de la culture polynésienne. Voyageurs du monde [archive]

Maori signifie "indigène"

Le terme "Māori"1 ne correspond donc pas à une ethnie bien spécifique de Polynésie mais désigne l'ensemble des groupes de population de Polynésie et de Mélanésie2 orientale, parlant des langues océaniennes (polynésiennes) relativement inter-compréhensibles. Les Maori sont des peuples de l’Océanie, d’origine Austronésienne éparpillés dans les archipels de Polynésie. Les Maori se répartissent selon une terminologie ancienne, pour partie en Mélanésiens, en Polynésiens et en Micronésiens.

Source Maori (Peuples du monde)

1. On appelle "Maori", au sens large, les locuteurs de langues polynésiennes (ou des personnes issues de ces communautés) et, dans un sens plus restreint, les autochtones de Nouvelle-Zélande et ceux des îles Cook. La culture maorie est l'ensemble des coutumes, pratiques et croyances des Maori. Ne pas confondre avec "mahorais", l'une des 2 principales langues de l'île Mayotte, ni avec "maohi", qui peut désigner la langue tahitienne ou être l'appellation de peuples polynésiens.

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Les tatouages d'un Marquisien (Tahuata)

Voir Îles Marquises (Wikipédia) - Une carte (Hawaï, Marquises, Polynésie...)

2. La Mélanésie (littéralement "îles noires", du grec ancien μέλας / mélas "noir" et νῆσος / nễsos "île") est l'un des trois grands groupes dits "traditionnels" d'îles de l'océan Pacifique qui, ensemble avec la Polynésie et la Micronésie, forment l'Océanie. Ce regroupement géographique est aujourd'hui contesté par une partie des géographes, mais il reste très couramment employé, y compris par les pays concernés. La Mélanésie ne doit pas être confondue avec la Malaisie ou la Malésie.

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Des pirogues en Polynésie française

Le mana est une "force"

Selon les mythologies mélanésienne et polynésienne, le mana est une force surnaturelle qui imprègne l'univers et dont certaines personnes sont porteuses plus que d'autres et l'expriment naturellement. La notion de mana, association de magie et de religion, peut-être également traduite comme l'émanation de la puissance spirituelle du groupe qui contribue à le rassembler.

Une façon qu'ont les Māori d'exprimer la valeur d'un être est de parler de leur mana ou pouvoir personnel. Avoir du mana veut donc dire faire preuve d'efficacité et d'influence – en ayant conféré le pouvoir d'accomplir certaines choses dans une situation donnée, en faisant preuve d'autorité et en dirigeant une tribu. Il existe différents types de mana : mana tangata (pouvoir des êtres), mana whenua (autorité d’un groupe sur la terre qu’il occupe) et mana atua (pouvoir du lien avec les puissances spirituelles).

Peuples du monde [archive]

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Aux Marquises

Le mana au cœur de nombreuses discussions

La notion de mana a fait l’objet de nombreuses discussions, tant sur la traduction que sur sa signification. En 1881, le prêtre anglican et anthropologue Codrington (1830-1922) *, définit le mana comme un "vecteur diffus de pouvoir spirituel ou d’efficacité symbolique supposé habiter certains objets et personnes". Plus tard, il précisera en affirmant que le mana est un "pouvoir d’influence" s’attachant aux personnes et aux choses, véhiculé par les revenants et les esprits. Roger Keesing (1935-1993), linguiste et anthropologue américain, dit que ces définitions sont des créations des Européens, mais pas la conception indigène. En effet, depuis Codrington, lorsque mana a été privilégié comme substantif, il a toujours été traduit comme tel, alors qu’en réalité il avait trois formes possibles : verbe actif, verbe passif, substantif.

* Le missionnaire anglican Robert Henry Codrington a réalisé la première étude sur la société et la culture mélanésiennes. Son travail est toujours considéré comme un classique de l'ethnographie. Il a popularisé l'utilisation du mot mana en Occident et l'a décrit "comme un pouvoir généralisé qui est perçu dans des objets apparaissant dans un sens hors de l'ordinaire, ou qui est acquis par les personnes qui les possèdent". Le révérend Codrington a vécu dans les îles du nord du Vanuatu pendant plus de vingt ans, entre 1850 et 1880, et a publié une remarquable monographie sur les îles de la région, qui décrit avec une grande précision la vie et les croyances des habitants. [mais] La vie a bien changé depuis l’époque décrite par Codrington, notamment en raison de l’influence de l’Église et de la modernité.

Cf. Une ethnologue au Vanuatu (Transboréal) [archive]

Voir Bibliographie [en] des œuvres de Codrington dans Wikipédia

Au début du XXe siècle, le terme mana a commencé à illustrer l’idée d’une qualité abstraite ou d’un support de pouvoir surnaturel sur lequel repose l’action humaine ou dont celle-ci dépend. Dépassant largement le contexte océanien, mana est devenu une notion du métalangage anthropologique. Aujourd’hui, l’explication la plus aboutie est celle de Roger Martin Keesing (1935-1993), linguiste et anthropologue américain, qui en donne trois usages : verbe d’état signifiant "être efficace, puissant, réalisé", utilisé de façon stéréotypée pour décrire l’efficacité et la chance, verbe employé dans les prières et les invocations "bénis, soutiens, rends efficace…", comme substantif "efficacité, réalisation, puissance…". Cela pose de nombreuses questions, en particulier celles de la traduction, et de la signification. Car tout ce que l’on attribue au mana reste flottant ou vague.

L'anthropologue Claude Lévi-Strauss (1908-2009) compare le mana aux mots français "truc" ou "machin". Il dit en effet que "derrière machin, il y a machine et plus lointainement l’idée de force ou de pouvoir". Quant à truc, cela dérive des coups heureux dans les jeux. Pour lui, les conceptions de type mana (wakan, orenda *) relèvent d’une forme de pensée universelle et il met en avant une explication linguistique. La fonction des notions de type mana, écrit-il, "est de s’opposer à l’absence de signification sans comporter par soi-même aucune signification particulière", elle est de combler un écart entre le signifiant et le signifié. C’est leur vide sémantique qui rend ces notions centrales. Celles-ci représentent précisément "ce signifiant flottant qui est la servitude de toute pensée finie, bien que la connaissance scientifique soit capable, sinon de l’étancher, au moins de le discipliner partiellement […]. Nous voyons dans le mana, le wakan, l’orenda et autres notions du même type l’expression consciente d’une fonction sémantique, dont le rôle est de permettre à la pensée symbolique de s’exercer malgré la contradiction qui lui est propre."

* Wakan : "puissant" ou "sacré" en langue lakota - Orendo : nom d'une certaine énergie spirituelle inhérente aux personnes et à leur environnement. Il s'agit d'un "pouvoir invisible extraordinaire que les Amérindiens iroquois croyaient imprégner à des degrés divers dans tous les objets naturels animés et inanimés en tant qu'énergie spirituelle transmissible capable d'être exercée selon la volonté de son possesseur." (JNB Hewitt (1902) "Orenda et une définition de la religion" American Anthropologist).

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Offrandes

Si l’on ne parvient pas à donner une définition du mana - se posent les problèmes de l’usage et de la signification - on lui trouve toutefois une fonction avec Lévi-Strauss. Il faut probablement renoncer à la signification de ce type de notions, puisqu’elles sont en elles-mêmes vides de sens et donc susceptibles de recevoir n’importe quel sens. Pourtant, on avait donné un sens au mana, une substance diffuse et invisible de pouvoir, une création européenne. Keesing pose le problème de la traduction : une mauvaise traduction peut en effet entraîner non seulement la création d’entités inexistantes, mais aussi d’importants problèmes analytiques. À cause de mé-traductions, les ethnologues se sont souvent inventé de pseudo problèmes. Il ne s’agit pas seulement de chercher des significations à ces notions, il faut aussi observer l’usage qui en est fait, le contexte d’énonciation, etc.

Source et suite Wikipédia

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À Tahiti, Polynésie française

Documentation

La signification du mana

"Il existe dans le monde maori de nombreuses mises en garde concernant le mana. C’est une source de force, de fierté et d’identité à la fois personnelle et collective. Mal utilisé, il devient source de honte, de ridicule et d’embarras. Si le mana nous permet de marcher la tête haute, il projette aussi une ombre sur nous : l’humilité. Écrire sur le mana, c'est un peu comme cueillir des mûres : ce n'est pas un travail pour les pieds nus, le fruit est sucré mais fragile, et ne dérangez pas votre voisin : restez chez vous. En d'autres termes, faites appel à vos expériences, pas à celles des autres..." Chris Winitana, journaliste et étudiant māoritanga (culture maorie de Polynésie orientale) et cueilleur de mûres de longue date...

''Mana'' vieilles femmes (en-tête de ''La signification du mana'').jpg

Suite dans New Zealand Geographic [(en) archive]

Le Mana Taonga ou le pouvoir aux peuples

Extrait de l’article Mana Taonga and the public sphere: A dialogue between Indigenous practice and Western theory, publié pour la première fois en 2014 dans l’International Journal of Cultural Studies. Les auteurs, Philipp Schorch et Arapata Hakiwai, y présentent le Mana Taonga, une politique culturelle reposant sur le dialogue et la négociation, qui est appliquée au musée de la Nouvelle-Zélande Te Papa Tongarewa...

Suite dans International Council of Museums [archive]

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Voir aussi

Aloha (La pratique du Huna). En hawaïen, Aloha veut dire beaucoup plus que seulement "bonjour" ou "au revoir" ou "amour". Sa signification plus profonde est le partage (alo) dans la joie (oha) de l'énergie de la vie (ha) dans le présent (alo). Lorsque vous partagez cette énergie, vous vous connectez au pouvoir divin que les Hawaïens appellent mana. Et l'utilisation dans l'amour de cet incroyable pouvoir est le secret pour atteindre la véritable santé, le bonheur, la prospérité et le succès.

Kon-Tiki ou une folle épopée familiale. [...] en 1937, à Fatu Hiva aux Marquises, lors de son voyage de noces, Thor Heyerdahl commence à échafauder l'hypothèse d'un peuplement de la Polynésie par des navigateurs venus des côtes sud américaines...

La pratique du Huna (Hawaï). Il existe à travers le monde, dans de multiples cultures ancestrales, des pratiques légendaires puissantes dont il n’existe aucun écrit. Des rituels secrets uniquement transmis par la voix, de génération en génération, et réservés à quelques initiés. Ces techniques cachées, quel que soit le courant spirituel dont elles sont originaires, ont le même objectif : La maîtrise de l'Énergie pour manifester vos pensées, idées et désirs. C’est ce que les philosophes, les visionnaires et les grands sages appellent "La Luminescence : L’État d’Abondance Globale".

“Ho’o” signifie faire, et “pono”, ce qui est juste. Pour les guérisseurs hawaïens, certaines maladies (maloko) sont dues à des déséquilibres internes et d’autres, à des relations externes (mawaho) ; les 1ères se traitent par des remèdes aux herbes, alors que le Ho'oponopono traite les secondes.

Voir aussi Méditation Vipassana et Ho'oponopono article de Thom (auteur et coach)

Le haka est une danse chantée, un rituel pratiqué par les Maoris lors de conflits, de manifestation de protestation, de cérémonies ou de compétitions amicales pour impressionner les adversaires.

Un vignoble à Tahiti

Liens externes

L'année du waka. La vue et le son d'une vingtaine de waka taua, des canoës de guerre, et de leurs équipages en sueur et en chantant resteront à jamais gravés dans la mémoire de ceux qui ont assisté à la commémoration du Traité de Waitangi en 1990. Le waka est devenu un symbole de l'unité et de la fierté des Maoris en cette année de commémoration. Certains disent que c'est le véhicule qui portera le mana du maori au XXIe siècle...

Waka taua, canoë de guerre des Maoris.jpg
Waka taua, canoë de guerre des Maoris

Suite dans New Zealand Geographic [archive]

Un PDF. Tahitien contemporain : lexique

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Autres cieux (pas si lointains)

Arts et concepts japonais

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Autres cieux (un peu plus loin)

La Diagonale des Fous. Le Grand Raid, ou Diagonale des Fous, est le principal ultra-trail organisé sur l'île de La Réunion, département d'outre-mer français dans l'océan Indien. Organisée au mois d'octobre, l'épreuve consiste en la traversée de l'île et constitue l'une des épreuves les plus difficiles du monde dans son genre...

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Autres cieux (encore plus loin)

Bien-être au Nord

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