• Cuisine : Les blinis

    Transmis par Irina Carraz le 22 février 2023

    Bons blinis de Russie

    Russie, la patrie des blinis

    La semaine du carnaval russe : Maslenitsa

    Bien que le climat reste encore hivernal, les Russes célèbrent à Maslenitsa l’arrivée du printemps. Un carnaval en Russie est unique. Pour commencer, le carnaval russe ne s’appelle pas carnaval, mais porte le nom de Maslenitsa ou Syrnaya nedelya. Ayant vu les jours, tout comme les autres carnavals, en des temps immémoriaux en tant que culte de la fertilité et des ancêtres, la Maslenitsa slave a survécu au baptême de la Rus et est entré dans le calendrier orthodoxe comme la dernière semaine avant le Carême.

    Les vrais héros de Maslenitsa sont les blinis qui, chez les Russes, peuvent être préparés selon des centaines de recettes différentes : au levain sans levure, au beurre et sans œufs, au blé, au seigle, à la farine de sarrasin. Comme leurs semblables occidentaux, les crêpes, pancakes et palatchinki, les blinis se mangent avec d’innombrables garnitures, sucrées ou non. Mais deux composantes dans ces remplissages sont toujours présentes : le beurre fondu et la smetana (crème fraîche fermentée, à 20% de matière grasse, utilisée comme sauce dans la moitié des plats de la cuisine russe, y compris dans les soupes). Des œufs durs finement hachés sont également bienvenus, mais on peut faire sans.

    On peut rajouter différents ingrédients, mais cela dépend de la fantaisie du cuisinier. Cependant, vous ne pourrez éviter les plats à base de poisson. En premier lieu, on compte le caviar, puis le hareng salé - le hareng russe diffère du hareng scandinave ; malgré tout l’amour des Russes pour l’aneth, cette herbe sera absente, mais on trouvera du gingembre et des graines de coriandre - l’esturgeon de Sibérie, le saumon, et enfin les sardines et les kippers.

    Le poisson peut être chaud, froid, fumé, salé, fumé ou cuit avec des herbes. Les champignons, le fromage et le sarrasin friable sont les candidats pour la garniture. Les athées consommeront également de la langue bouillie et d’autres viandes de la gastronomie. En dessert, ce sont ces mêmes crêpes que l’on mange mais accompagnées de confiture et de miel – de tilleul de préférence.

    Cette fête s’accompagne non seulement d’une consommation de blinis, mais également d’une balade sur des traineaux et de l’adieu aux poupées de Maslenitsa, symbolisant l’hiver rude. La tradition la plus sympathique de Maslenitsa consiste en la destruction d’une forteresse de neige : une équipe construit un château de neige et le défend, l’autre tente de le détruire.
    Mais les combats, heureusement, n’ont pas survécu au régime soviétique. Jadis, les jeunes hommes et les adolescents provenant de différentes régions se rassemblaient à l’endroit désigné pour se mesurer entre eux. Il y avait quelques règles : ne pas se battre avec les jambes, ne pas utiliser de poing américain ou d’autres objets plus lourds, malgré cela les blessures graves et même les décès des participants se sont produits régulièrement.

    Aujourd’hui de telles bastonnades ne sont pratiquées que par les fans de football, et sans calendrier particulier. Mais ne parlons pas de hooligans, parlons blinis... Pour la défense des traditions soviétiques, malgré les bagarres, voici une recette qu’on ne trouvait pas dans les livres de cuisine prérévolutionnaires.

    Blinis à la bière

    La bière soviétique était d’une telle qualité que s’en était le meilleur usage et une recette tout à fait normale.

    • Mélangez 0,5 litre de lait légèrement chauffé et 0,5 litre de bière – si vous souhaitez accompagner vos blinis de garnitures sucrées choisissez une bière brune.
    • Tout en remuant constamment, versez deux tasses de farine tamisée, ou 1,5 tasses de farine de blé et 0,5 tasses de seigle.
    • Fouettez soigneusement la pâte en ajoutant
      • 1 ou 2 œufs, 2 c. à s. d’huile végétale ou de beurre fondu,
      • 1 cuillerée de sucre ou de miel clair, une c. à c. de sel,
      • et une demi c. à c. de bicarbonate de soude juste avant la cuisson.
    • Plus la pâte est fine et plus les blinis obtenus seront fins.
    • Expérimentez et vous saurez ce que vous souhaitez obtenir.

    Compléments

    Les blinis doivent êtres cuits dans une poêle en fonte qu’on ne lave pas mais qu’on chauffe et essuie avec des serviettes avant utilisation.

    Les blinis sont cuits sur une toute petite portion de beurre fondu, avec lequel on graisse traditionnellement la poêle en fonte à l’aide d’une demi pomme de terre piquée au bout d’une fourchette.

    Le produit fini est une belle pile de blinis dorés-orangés sur laquelle on verse le beurre fondu.

    Chacun utilise la garniture qu’il souhaite pour accompagner ses blinis, ce qui diffère des crêpes viennoises et des palatchinki tchèques.

    Voir Plats russes

    En Russie, la Maslenitsa,''Semaine grasse'' et Fête du printemps et de la fertilité

    La Maslenitsa, comme il y a cent ans

    En Russie, chaque famille célèbre Maslenitsa : des plus pauvres, qui économisent toute l’année le moindre kopeck pour fêter dignement la "Semaine grasse", fête du printemps et de la fertilité, jusqu’à la famille impériale, qui organise avec bonne humeur des parties de patinage endiablées, des bals et autres festivités délicieuses, propres à la haute société. Bien que les réjouissances des villages se distinguent des villes, ils partageaient en commun cette même coutume traditionnelle de la nourriture et de la boisson.

    Il y a cent ans, le journal Moskovskie Vedomosti a publié quelques traits humoristiques qui retrace la fête de Maslenitsa à Moscou. Petit voyage en arrière...

    La grande Maslenitsa, premier jour… Ici, on prépare des crêpes. On dit que ce sont les premières. Parfois, elles sont "ratées". Mais les chasseurs de crêpes sont nombreux. Pour ne pas rater la première, l’alcool à base de sorbe marche bien. Les crêpes sont englouties, à droite, comme à l’extrême-gauche. Après les premières crêpes, on se lève, on chancèle légèrement : pas l’habitude de cette gelée de sorbe qui "redonne à nos jambes leur légèreté".

    Deuxième jour. C’est déjà plus sérieux. On cuit des crêpes de froment, de sarrasin, et des moitié-moitié, avec ajouts et sans. Ses maîtres s’emparent de celles au saumon, avec avidité, et de celles au caviar, avec cupidité. On ne pouvait que rêver de ces petits grains de caviar. Le progressiste, lui, n’a droit qu’à du caviar rouge. L’esturgeon blanc fait clairement parti de la conspiration et "ne se fait pas prendre". Les magasins d’alimentation qualifient le balyk de "véritable conseiller de l’État", et les crêpes qui en contienne, "des crêpes au général". Au nom de la sobriété, on commence à descendre les stocks d’alcool qui règnent un peu partout, on déclare ouverte la liquidation de la vodka pure, de la zubrowka, et de toutes sortes de liqueurs à base d’armoise et de bourgeons de cassis. Dans les rues, on voit surgir des visages à l’air grave et au regard sombre, mais à la démarche encore bien ferme.

    Troisième et quatrième jour. Crêpe, Crêpa, crêpera, crêperont, crêpons ! Vide général et intersidéral de l’estomac. Demande énorme de remèdes pour soulager ces maux : cognac Shoustov, Madère Kashinski, alcool Gorbounovski et autres alcools distillés provenant de toute la Russie. Les nationalistes optent pour le whisky et la porter anglaise. Dans une société provinciale régie par la sobriété, tous les membres se sont saoulés aux crêpes, avec le président à la tête F.I. Roditchev (Politicien député de la Douma) et le cocher d’un haut fonctionnaire pour "jouer le match" : qui mangera le plus de crêpes et boira le plus de vodka ? Le vainqueur, Roditchev. V.A. Maklakov, qui avait parié une grosse somme sur le cocher a perdu tous ses droits perçus lors de l’affaire de Beilis (Menahem Mendel Beilis) et autres procès…

    Cette odeur de crêpes commence à courir sur les nerfs. Dans une rue, un groupe d’intellectuel en est venu aux mains. Une dispute gauche-droite, semble-t-il, mais les représentants des deux camps se sont avérés des alcooliques sans parti. Les remèdes provenant des magasins de vin ont cessé d’agir avec force. On commence progressivement à passer aux gouttes de menthe et à la soude.

    Cinquième et sixième jour. Parodie réussie pour la tour de Babel : les gens commencent à parler dans des langues étranges ; le dieu Bacchus a mélangé le tout, voyant que la pyramide de crêpes avalées pourrait dépasser une tour haute comme deux fois celle de Babel.

    Certains habitants ne prononcent plus papa et maman ; certains ouvrent une "bouche de poissons" hébété. Les crêpes se dévorent et sont dévorées. Les sages, qui regardent l’avenir d’un œil sombre, craignent la faim. L’alcool se boit et est bu. Les restaurants où l’on mange les crêpes rappellent des bateaux de croisière en train de tanguer. Dans les rues, des corps : ils ont du mal à se mouvoir, se balancent, s’étirent, "morts" ou "sans patte arrière". Dans les maisons, des banquets de crêpes et des discours interminables. Les estomacs pleins ont fortement influencé les cerveaux. Les orateurs-nés lancent des discours, mélangent et touillent événements et noms.

    Septième jour et (heureusement) le dernier… Les feux se meurent, les fleurs se fanent… Les fleurs du festin crêpier… Le jeûne a remplacé l’orgie. Avec la crêpe vient l’idée de vengeance sanglante. Nombreux sont ceux qui se sont abandonnés aux poings, à leur haine de l’unification. Le protocole littéraire d’un policier éduqué dénonce le fait que dans le restaurant "Iagodka", un marchand progressiste qui aurait critiqué la goinfrerie russe dans son ensemble et ferait la prédiction d’un ascétisme rigoureux a explosé ses bouteilles de verre à terre et jeté le caviar. Il semblerait que l’auteur de ces dires ait été un peu trop laconique. Il n’y a donc pas lieu de penser que le marchand progressiste ait été pris pour un esturgeon… Non, cette histoire est bien plus profonde, spirituelle.

    Maslenitsa se termine par des soupirs plaintifs et des prières de repentant : "Donnez-moi du chou aigre, s’il vous plaît… Des cornichons !"

     

    _________________________

    Documentation sur la Russie

    Carélie

    Girya / Kettlebell (Muscu & Yoga avec les moyens du bord)

    Jjonka, boisson des hussards et écrivains de Russie

    La chachka, un sabre russe de toute beauté

    La fête nationale de la Russie (vidéo et paroles)

    Sambo

    Samovar, le vieux chauffe-eau russe

     

     

     

    haut de page