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2-Culture sur butte
Page créée le 21 avril 2024
Culture sur buttes
Sol mince, médiocre, très compacté, humide... La culture sur buttes permet d'améliorer la terre des zones cultivées. Si un peu de travail est nécessaire, le principe de la butte est simple, qui consiste à augmenter l’épaisseur de terre des zones à cultiver.
Salades cultivées sur butte (Rustica)
Note importante. Je ne prétends pas donner un cours de jardinage et cette page est plutôt informative. Je vous invite à visiter les liens donnés en fin d'exposé pour en savoir plus sur la pratique et éventuellement obtenir des informations et conseils de spécialistes.
Ceci dit, cette méthode repose sur la superposition de différentes matières organiques. Elle offre de nombreux avantages, notamment une meilleure aération du sol, un sol fertile, une optimisation de l’espace et une rétention d’eau efficace. De plus, elle permet de cultiver une variété de légumes, fruits et autres plantes tout en respectant les principes de durabilité et de biodiversité.
Les buttes ne sont pas uniquement cantonnées à la culture de légumes. Bien que ces derniers soient couramment cultivés sur des buttes, en particulier dans le contexte de la permaculture, d’autres types de plantes peuvent également être cultivés sur des buttes : les petits fruitiers comme les fraisiers, mais aussi certains arbustes (groseilliers, cassissiers…), les fleurs annuelles (et pourquoi pas indigènes pour la biodiversité), les plantes aromatiques (qui apprécieront la chaleur et le drainage) et évidemment de l’engrais vert (phacélie, moutarde, luzerne…) entre deux cultures. La seule limite est la taille de la butte.
Les grands types de buttes
En permaculture comme en agriculture "biologique", il existe plusieurs types de buttes qui sont conçues pour répondre à différents besoins et conditions.
Les 3 premières buttes décrites ci-dessous sont dites "buttes autofertiles", car les éléments nutritifs sont là dès le départ et se diffusent peu à peu vers les racines des plantes au fil de la décomposition des matières organiques.
• Buttes en lasagne : Cette technique consiste à superposer différentes couches de matières organiques, comme du compost, de la paille, du foin, et d’autres déchets verts. Ces couches se décomposent progressivement, enrichissant le sol en nutriments.
À noter. Important ! Le principe de la lasagne * n’est pas uniquement employé dans le cadre de la création de buttes. Vous pouvez appliquer le principe en butte très basse (peu de couches) ou dans un bac potager.
* La culture en lasagne
La culture en lasagne est une technique simple, pratique, ludique et peu onéreuse. Elle permet d’obtenir en un temps record un support de culture riche et fertile, un potager luxuriant et des récoltes abondantes. Quelques cartons (sans agrafes ni colle, mais pas toujours conseillés), des couches successives de déchets de tonte, compost et autres disposés en andain (rangée régulière d'herbe fauchée) suffisent à créer un lit de nutriments ultra concentrés pour des végétaux en pleine santé... Schématiquement :
– une couche de compost presque mûr – une couche de paille (qui se gorgera d’eau et servira de réserve pour les plantes) – une couche de tonte de gazon – une couche de paille – une couche de tonte de gazon – une couche de terre de jardin, terreau ou compost bien mûr, assez profonde pour que les plantes puissent s’enraciner. Possibilité de remplacer la paille par d'autres "déchets" bruns comme du bois pourri, du BRF, des feuilles mortes... Idem pour les "déchets" verts remplacés par des adventices (non montées à graines), des fleurs fanée, des épluchures ou déchets de cuisine.
Entre chaque couche, saupoudrer de la cendre de bois, riche en phosphore et en potassium, qui sera bénéfique à la floraison et à la fructification.
À la fin de ces opérations, la "lasagne" atteint environ 30 cm de haut. Mais au fil du temps, le monticule se tasse et ne mesure plus que 10 cm. Pour favoriser la bonne activité des matières organiques ainsi superposées, il convient également de bien mouiller la lasagne avant plantation. C'est la base de son succès.
Des précisions dans Gerbeaud – Promesse de fleurs
• Butte sandwich : Elle est généralement créée en creusant une tranchée et en insérant un mélange de matière organique verte et sèche. Cette technique est similaire à la butte en lasagne, mais la butte "sandwich" alterne généralement des couches de sol et de matières organiques, tandis que la butte "lasagne" empile plusieurs couches de matières organiques différentes.
• Hügelkultur : Cette technique allemande consiste à enterrer des rondins de bois et d’autres gros débris organiques sous une couche de terre. Au fil du temps, le bois se décompose, retenant l’humidité et libérant des nutriments pour nourrir les plantes. Philip Forrer (Jardin du Graal), un permaculteur français bien connu, utilise cette technique, mais… à sa manière. Il commence par creuser une tranchée, puis y place des troncs d’arbres (carrément !). Le vide est ensuite comblé avec de l’humus, qui peut inclure des épines de sapin, du compost et d’autres matières organiques.
À noter. Les buttes dont le départ est constitué de rondins, voire de troncs, sont parfois nommées "buttes forestières".
Les 2 derniers types de buttes ci-dessous sont classés parmi les "buttes de terre".
• Buttes bio-intensives maraîchères : Ces buttes sont conçues pour une production maraîchère intensive en agriculture biologique, en utilisant des techniques spécifiques pour maximiser la production sur une petite surface. Une butte bio-intensive est obtenue en travaillant la terre sur une double profondeur de bêche, soit environ 50 cm. Cela permet d’aérer le sol en profondeur et facilite l’enracinement des végétaux cultivés. Ensuite, il est essentiel de ne pas mélanger les différents horizons du sol. Cela permet de conserver la structure naturelle du sol et d’optimiser la croissance des plantes. Les planches permanentes sont en réalité des buttes de terre surélevées d’environ 10 à 15 cm du sol.
• Buttes de cultures arrondies classiques : Ce sont des buttes traditionnelles, de forme arrondie, souvent utilisées pour leur esthétique et leur facilité d’accès. Elles sont formées uniquement avec de la terre récupérée en creusant les allées. Cette méthode permet de créer une butte sans avoir besoin d’apporter de la terre supplémentaire. La forme arrondie permet une meilleure exposition au soleil, une meilleure aération du sol et facilite le drainage.
Quelques éléments épars avant de continuer
Des outils
À l’aide d’un fort sarcloir ou d’une houe1, décapez2 tout d’abord la couche de surface sur 2 à 5 cm. L’idéal serait de la réserver pour ne pas l’enfouir car elle est riche en micro-organismes, puis essayer d’enfoncer dans le sol une fourche à bêcher ; si c’est facile, passer à l’étape suivante. Sinon, prenez le temps de décompacter le sol de la future butte à l’aide d’une grelinette : la vie du sol y reprendra d’autant plus facilement...
1. En agriculture et jardinage la houe (du vieux francique hauwa "pioche, binette", apparenté à l’indo-européen *heawan "couper") est un instrument aratoire (outil ou machine qui sert au travail du sol : ameublir, labourer, biner) manuel.
2. Le décapage est une méthode consistant à éliminer la couche superficielle du sol, celle qui est principalement constituée de matières végétales, sans entamer le substrat qui est la couche interne du sol.
La grelinette
La grelinette est un outil de jardinage utilisant le principe du levier. Elle a été inventée par André Grelin (1906-1982) qui en a obtenu le brevet en 1964.
La grelinette est une fourche bêche munie à sa base de trois à cinq dents biseautées recourbées et tranchantes et de deux manches latéraux1.
L'utilisateur enfonce les dents de la grelinette devant lui verticalement dans le sol. Il tire vers lui les deux manches qui passent alors de part et d'autre de son corps, ce qui produit le soulèvement d'une motte de terre de la largeur de l'outil. Tout en reculant d'un pas, l'utilisateur bascule l'outil à droite et à gauche, pour diviser la motte. Il fait ensuite glisser l'outil en arrière en reculant d'un pas pour répéter le même mouvement2.
Le jardinier affine si besoin le travail par l'utilisation d'un hoyau (houe) à dents ou d'un râteau. Le passage de ces outils est grandement facilité par la préparation à la grelinette.
Intérêt de la grelinette
Un des buts de la grelinette est d'ameublir et non de retourner les différentes couches du sol. Le jardinier s'affranchit de la bêche et encore plus de la motobineuse ou du motoculteur qui brassent fortement toute la terre sur la profondeur des roues. La grelinette permet d'ameublir la terre sans la retourner3, contrairement à la bêche. Cette manière de travailler préserve l'écosystème du sol. Ceci en fait donc un outil privilégié en agriculture biologique, notamment en micro-agriculture biointensive.
L'arrachement de mottes par ce système de levier a en outre un effet d'aération du sol4, jusqu'à la profondeur atteinte par les dents, ce qui offre de l'oxygène au sol et aux organismes qui en ont besoin pour bien se développer et y travailler.
Le travail d'ameublissement de la terre avec une grelinette est rapide et demande moins d'effort qu'avec une fourche bêche ou qu'avec une fourche-croc. Contrairement à la bêche, la grelinette fait travailler les bras du jardinier et non le bas du dos.
La grelinette sert aussi d'outil pour l'arrachage des pommes de terre ou autres racines5.
Imitations de la grelinette
La grelinette est très imitée. Quelques modifications ou améliorations ont donné l'"aérofourche", la "biobêche", le "bioculteur" ou encore la "fourche à bêcher" ou la "fourche écologique". Certaines imitations sont plus adaptées pour agrader6 les terres compactes, d'autres possèdent un arceau pour faciliter le mouvement d'oscillation des manches en terrain compact7,8.
Un outil proche, la "Campagnole", est équipée de deux roues latérales et de contre-dents fixes ou à ressorts permettant de briser les mottes.
Notes de Wikipédia
1. Brevet FR 1378114 Dispositif pour jardinage
2. La Grelinette un outil pour le labour manuel [archive] graines-grelin-grelinette
3. Alain Baraton "Mes trucs et astuces de jardinier" Flammarion 2014
4. Les plantes au naturel sudouest.fr
5. Brevet d'invention-Dispositif pour jardinage [PDF] Espacenet
6. Voir aussi « Agrader », définition et pistes d'actions [archive] PLaisible
7. Grelinette, biobêche et compagnie : à l'essai [archive] Gerbeaud 11/10/2016
8. La grelinette, un outil indispensable en permaculture [archive] Permaculture Design 19/10/2021 Voir la vidéo (Permaculture Design)
Lire aussi Travailler le sol avec la Grelinette [archive] (Rustica)
La terre
Dans les allées, commencez également par décompacter la terre afin de la pelleter plus facilement pour la transférer sur l’emplacement des buttes. Travaillez couche par couche et prélevez uniquement la terre la plus foncée jusqu’à rencontrer une argile très compacte, humide ou beaucoup de cailloux.
Exemples de matériaux pour la butte (non exhaustif)
Tonte
Bois mort (bûches pourries, branchages)
Bois vert (taille de haie, d’arbres…)
Paille
Foin (attention aux graines !)
Les étapes dans les grandes lignes
À noter. Rustica propose une autre méthode
• Balisez la butte et l’allée (piquets + cordeau)
• Désherbez (grelinette + griffe + huile de coude)
• Creusez la butte
La terre est mise de côté
• Enterrez le bois et les branchages avec de la terre récupérée
• Creusez l’allée et ajoutez de la terre pour augmenter le volume de la butte
• Mettez en forme le dessus de la butte
L'épreuve finale
• Selon votre choix, fixez ou non des rebords latéraux. Épandez à la surface de la butte de la fine couche de terre mise de côté.
Une idée, selon possibilité. Décapez des plaques de gazon et posez-les à l’envers c’est-à-dire partie herbacée vers le bas sur la butte. Elles éviteront à la couche de terreau de se disperser dans les branchages. (Rustica)
• Arrosez en pluie fine et en plusieurs fois, afin de bien humidifier toute l’épaisseur de la butte (arrosez copieusement pour hydrater les matières qui sont plus sèches que les tontes).
• Puis couvrez entièrement d’un abondant paillis mélangé de déchets verts et secs (voir encadré ci-dessous). Épandez dans les allées les déchets de fauche et les racines.
Une bonne couverture
Il est indispensable de bien couvrir le sol pour éviter à la terre de se dessécher. En outre, en se décomposant, cette couverture va favoriser l’activité des bactéries, des vers de terre, des insectes… et nourrir le sol. Vous pouvez la laisser en permanence ou l’enlever au début du printemps pour que la terre se réchauffe plus vite. En hiver, ce paillis est intéressant pour protéger la butte des grosses pluies et empêcher le lessivage des éléments nutritifs.
Pour réaliser ce mulch, utilisez des feuilles mortes l’hiver, des tontes de gazon l’été, de la paille, des roseaux, des fougères, si vous en avez... Les adventices font aussi un très bon couvre-sol. Il suffit de les couper à ras et de les laisser sécher sur la butte. De même, les parties des plantes que l’on ne mange pas (fanes de radis, de carottes, tiges et feuilles des fèves…) constituent une protection de choix, riche en azote. Mais attention si vous mettez du foin car les graines risquent de germer dans la butte !
Paillis Voir Mulch (Lexique "phyto-bota")
Voir aussi Pailler avec des déchets végétaux (Rustica)
Au fil du temps, la butte a tendance à se tasser, mais grâce à cet apport continu de matériaux, ce phénomène est limité, et le sol s'améliore, qui se renouvelle sans cesse. En outre, un paillis épais diminue le désherbage.
Une fois la butte préparée
Une fois en place, la butte potagère durera plusieurs années, les racines des légumes puisant les éléments nutritifs dont elles ont besoin dans les végétaux en décomposition. (Rustica)
La butte après plusieurs semaines
Vous pouvez semer les graines de légumes directement dans la couche supérieure de compost ou de terreau mais la présence du couvre-sol rend ce semis assez délicat. Vous aurez de bons résultats avec de grosses graines (courges, courgettes, pois, haricots, fèves, maïs, bettes…) dont la plantule, assez solide, peut traverser sans peine une couverture de 5 voire 10 cm.
Pour les fines graines (salades, carottes, radis), qui germent parfois plus difficilement directement dans la butte, mieux vaut enlever la couverture ou se contenter d’une épaisseur de 1 ou 2 cm. Certains jardiniers conseillent de semer en godets avant de transplanter les jeunes plants dans la butte, surtout pour les légumes qui ont des graines plus délicates (salades, carottes…) ou qui nécessitent des conditions de germination spécifiques.
Aussi, il est souvent plus facile au début de repiquer des plants préparés en pépinière : il suffit d’écarter la couche protectrice et de creuser la terre meuble pour y implanter salades, choux, poireaux… N’hésitez pas à faire vos propres tests : une butte n’est pas l’autre !
Si elle limite l’arrosage, la "couverture" ne le supprime pas totalement et il ne faut pas hésiter à apporter de l’eau dès que les feuilles commencent à flétrir. Le bas de la butte, plutôt plus humide, convient bien aux choux et aux salades, tandis que la terre du sommet est bien drainée, ce qui est adapté aux tomates qui n’aiment pas avoir les pieds dans l’eau.
Pour avoir une butte productive, il faut avant tout observer et s’adapter aux conditions météo. Mais l’avantage, c’est que les cultures sont concentrées sur une petite surface et que l’on peut mieux s’en occuper !
Critique
Maintenant que nous avons "débroussaillé" le sujet, il est temps d'examiner les mauvais et bons côtés de la culture sur buttes. Commençons par les inconvénients pour garder le meilleur pour la fin !
Inconvénients
• Long à réaliser, contraignant (énergie), nécessite des apports importants en matières (bois, branchage, tonte, paillage…) et parfois beaucoup de matériel (planches, rondins, outillage…)
La butte nécessite un énorme travail au début, ce qui prend du temps et n’est pas très bon pour le dos !
• Évaporation de l’eau et emprise du vent sans protection
Une butte de culture peut, dans certains cas, présenter l’inconvénient de sécher plus rapidement par rapport à un potager traditionnel à plat et bien paillé. En effet, la structure surélevée d’une butte la rend plus exposée au vent et augmente la surface exposée au soleil, ce qui peut entraîner une évaporation plus rapide de l’eau.
Le bon drainage du sol de la butte est bénéfique pour éviter la stagnation de l’eau, mais signifie également qu’elle peut sécher plus vite, surtout en été (davantage exposée au vent et retient moins l’eau).
Toutefois certains éléments organiques au sein de la butte permettent de maintenir l’eau tels des éponges : c’est le cas du bois (branches, rondins…) et du compost. Si la butte sèche trop vite, c’est sans doute que ces éléments manquent ou sont en trop faible quantité.
• Autres inconvénients
Attention aussi au tassement : la butte va s’affaisser au fil des mois, nécessitant des apports réguliers, voire une reconstitution après quelques années.
Les buttes de culture peuvent aussi attirer les rongeurs, les limaces et les escargots.
Avantages
• Volume de terre augmenté, possibilité de changer la nature du sol
On recrée du sol, un avantage si l’on cultive une terre remplie de cailloux ou gorgée d’eau.
• Davantage de place dans un sol plus aéré
Davantage de place pour cultiver que sur une surface plane, car l’on peut planter sur les côtés et le sommet et aussi de manière plus serrée : la couche de sol cultivable étant plus importante, les plantes se trouvent moins en concurrence. Les racines se développent mieux car elles disposent de plus d’espace et celles des arbres ne font pas concurrence dans un sol qui respire mieux (échanges avec l’air)
• Meilleur captage de l'énergie solaire, effet microclimat
La butte se réchauffe davantage car ses bords captent mieux les rayons du soleil obliques. Ainsi, l’on peut produire plus tôt au printemps.
• Drainage efficace si trop humide
Elle est mieux drainée. L’eau pénètre mieux et ne stagne pas. Plus d’inondations, sauf éventuellement au niveau des allées.
• Ergonomique (et esthétique)
La terre est moins basse ! Pour ceux qui ont mal au dos, c’est un atout, car le sommet de la butte est surélevé d’une cinquantaine de centimètres. On ne risque pas de marcher dessus sans faire attention et de tasser le sol.
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Documentation
Jardin humide Jardin aquatique
Jardins (Lexique "phyto-bota")
Moutarde & Engrais verts (PDF)
Ortie & Purins de plantes (PDF)
Documentation : Liens externes
Des terres agricoles traitées uniquement avec des engrais organiques...
(L'Internaute 25/10/2024) PDFRéférences
Les photos, sauf la première et l'illustration "décapage de plaques de gazon" qui viennent de Rustica, sont tirées du PDF "La butte pérenne"
Autres liens qui m'ont permis de construire cette page
Rustica : Culture sur butte - Un potager sur butte