Certains jeux élèvent le chien, d’autres l’abrutissent

Lettre de Claude Lefèvre (Chien Vie et Santé)

Certains jeux élèvent le chien, d’autres l’abrutissent

L'autre jour, je me suis encore fait avoir : Merlin m’a mordu.

Rien de grave : ce grand excité a voulu attraper le bâton que je m’évertuais à jeter dans le parc, pour qu’il aille le chercher. Manque de chance : le bâton était encore dans ma main, et c’est mon doigt que Merlin a "croqué".

Aïe.

En réalité, j’ai ma part de responsabilité dans cet accident. Je sais que jouer au bâton de manière non contrôlée est risquée. Mais Merlin aime tellement ça : difficile de résister.

Des chiens comme Merlin, qui réclament sans arrêt les jeux de lancer, il y en a des milliers. Et rares sont les propriétaires qui savent jouer à ces jeux “correctement”. Même moi je fais encore des erreurs !

Il y a 2 jeux, en particulier, qui peuvent complètement surexciter, voire abrutir un chien (voir plus bas). Et c’est ainsi que les accidents arrivent.

Les instincts du chien influent sur son comportement

Chaque chien possède des instincts de prédation et de travail, hérités de ses ancêtres.

Même si aujourd’hui, le chien ne se destine plus forcément au travail, la totalité de l’espèce a conservé différents instincts ancestraux. Et ce, malgré la sélection génétique effectuée par l'homme pour "produire" des chiens de compagnie.

Certaines races ont des instincts prédominants pour surveiller et rassembler les troupeaux, comme le Border Collie, le Berger Australien et le Colley. D’autres, comme le Braque, le Beagle et le Setter, ont un instinct de chasse et de prédation très développé.

Des aptitudes telles que guetter une proie, lui courir après, l’attraper, la rapporter et la dépecer, ou encore surveiller qu’aucun individu ne s’approche du territoire en sont la conséquence. Ce sont autant de comportements hérités de leur mode de vie historique.

Les instincts du chien se manifestent de différentes manières selon la race, le comportement et l’éducation. Ainsi, le chien peut aboyer sur les inconnus potentiellement dangereux à ses yeux. Courir après les joggeurs et vélos, et déchiqueter les jouets, comme s’il s’agissait de proies.

Deux sortes de jeux en particulier renforcent les instincts de votre chien

... Et ce n’est pas forcément une bonne nouvelle.

Les jeux de lancer

Plus le chien court après sa balle, plus il s’énerve, et moins il a envie de s’arrêter. Moralité, plus vous jouez à ces jeux de poursuite, plus votre chien sera en demande. Plus son instinct de prédation sera affuté, et en besoin de stimulation.

Et c’est là que ces jeux peuvent devenir contre-productifs, voire dangereux. L’instinct de prédation étant amplifié, le chien commence alors à associer des éléments de la vie quotidienne à l’objet qu’il aime tant poursuivre. C’est comme ça que l’on obtient un chien réactif aux vélos, aux joggeurs, et parfois même aux voitures.

Les races de berger sont particulièrement concernées : ayant naturellement un instinct de poursuite prédominant, elles sont plus réactives aux mouvements dans leur environnement. Jouer à la balle ne fera donc qu’amplifier leur instinct de poursuite et les comportements qui y sont liés.

Si votre chien a déjà tendance à courser tout ce qui bouge, c'est que son instinct de poursuite est bien ancré et qu’il influe son comportement. Dans ce cas, les jeux de balle sans contrôles sont clairement déconseillés. Inciter et féliciter son chien à poursuivre une balle, mais lui interdire de courir après un vélo lui semblera incohérent.

Dans les situations les plus extrêmes, on peut parfois remarquer l’apparition d’une “adoration de la balle”. Le chien ne voit plus qu’elle. Qu’elle soit devant lui, cachée ou rangée, il est obnubilé par elle et ne parvient plus à s’en détourner.

Il est alors plus intelligent de travailler, à l’inverse, un exercice d’autocontrôle sur la balle : on la fait rouler, et on récompense si le chien ne bouge pas.

Le jeu de la traction

Aussi appelé tire-corde, c’est un jeu où chien et maître tirent l’objet de son côté, jusqu’à ce que l’un des deux cède.

Quand un chien tire sur la corde, il n’est pas rare de l’entendre grogner. Si vous observez un loup ou renard qui chasse et qui attrape sa proie, il est facile de comprendre pourquoi. Le carnivore plante ses crocs dans le cou de sa proie, la secoue, et la tire jusqu’à un coin tranquille pour pouvoir la manger.

Ce jeu fait donc appel à l’instinct de prédation du chien. La corde devient une proie que le chien doit gagner à tout prix, même s’il faut la déchiqueter pour y arriver.

Si le chien a tendance à mordiller ou s’exciter facilement, jouer au tire-corde est déconseillé. Ces différents jeux déclenchent chez l’animal un état de très grande excitation. Malheureusement, cet état d’excitation est souvent confondu avec de la joie.

Les chiens très nerveux ont souvent du mal à redescendre en pression et à s’apaiser après les séances de jeu.

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Voir Le mordant (Avec son chien sportif et spécialiste)

Les jeux de tire-corde ou de poursuite ne sont pas à supprimer totalement, surtout si votre chien les adore. Jouer est également un renforçateur de la complicité homme-chien ! Il serait dommage de s’en priver. En revanche, il faut y mettre un cadre.

L'alternative pour jouer intelligemment avec son chien

Voici quelques astuces pour jouer à la balle ou à la corde avec votre chien sans le surexciter :

• Mettez en place des exercices d’autocontrôle, comme celui de rester calme avant le lancer. Cet apprentissage évitera à votre chien de “monter en pression” trop rapidement, ou, s'il s'impatiente, de venir chercher lui-même le jouet dans votre main, au risque de vous blesser.
• Plusieurs autres apprentissages peuvent s’ajouter à vos séances de lancer de balle, comme le “donne”, qui apprend au chien à lâcher prise, ou l’arrêt en pleine course, qui vient travailler les autocontrôles et la gestion de la frustration.
• Laisser à son chien un moment de répit entre les lancers est aussi important. En le laissant mordiller et se promener avec la balle, son niveau d’excitation baisse et il se calme.
• Si vous constatez que votre chien a du mal à stopper le jeu, vous pouvez instaurer un code de cessation. L’idée ici est de proposer un mot qui, à force de répétition, signifiera la fin de l’activité et le retour au calme.

Ne sous-estimez pas les bienfaits des jeux de flair

Pour reprendre le cas de Merlin, pour lui, courir après la balle devrait être utilisé comme sa récompense, quand il a réussi un exercice nécessitant une grande réflexion.

Et pour donner un exemple concret : j’ai caché une chaussette dans le parc. Merlin se concentre pour la retrouver grâce à son flair. Il est calme, il réfléchit, il retrouve la chaussette et me l’amène : je le récompense en jetant un bâton. Puis j’enchaîne avec un nouvel exercice plus calme. C’est ça, jouer “intelligemment”.

Le travail au flair est un jeu vraiment complémentaire aux lancers de balle ou "tire la corde". Ces derniers sont des jeux surexcitants pour le chien, qui le dépensent physiquement. À l’inverse, les jeux de flair le ramènent au calme et le dépensent cognitivement.

Rappelons que la stimulation mentale est tout aussi énergivore qu’une activité physique. À la différence des jeux de lancer, le chien ne court pas “bêtement” après un jouet, mais utilise son flair pour le retrouver. Il se concentre, réfléchit, utilise sa mémoire olfactive et affine son odorat.

En combinant l’envie de recherche du chien à la puissance de son odorat, de nombreux jeux sont possibles.

• Cache-cache avec le chien. Pendant que quelqu’un l’occupe, allez vous cacher et attendez patiemment qu’il vous trouve.
• Jeu d’exploration. Dispersez les croquettes de votre chien dans le jardin, la cour, à la maison (comme il vous convient) et laissez-le chercher. En plus de dynamiser le moment du repas, toutou utilise son flair.

Si vous souhaitez aller un peu plus loin dans l’apprentissage des jeux de flair, des autocontrôles et de la dépense cognitive, Sara, éducatrice canine, en parle en long en large et en travers dans ses vidéos, que vous retrouverez dans la formation “Mon chien Zen et à l’Écoute”

Elle montre, par exemple, comment nous avons appris à Merlin à ranger ses jouets dans un coffre ; à retrouver une chaussette perdue dans le parc ; et à ouvrir une porte de placard pour ramener une bouteille de grenadine ! Et tout ça, en 20 minutes d’exercice.

Plus sympa que courir après un bâton, non ?

Amicalement,

Claude Lefèvre (et ses 3 chiens, Pénélope, Maki et Merlin) Lettre du 03 octobre 2021

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