• ÉCOLE DE SALERNE IXe s.-1811

    Page créée en septembre 2020

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    L'École de Salerne

    IXe siècle - 1811

    Miniature Schola Medica Salernitana, copie du Canon de la médecine d'Avicenne

    Miniature représentant la Schola Medica Salernitana
    à partir d'une copie du Canon de la médecine d'Avicenne [PDF]

    L’école de Salerne, en Italie, sur la zone côtière du Mezzogiorno, apparaît au Xe-XIe siècle. Historiquement, elle est non seulement la première école de médecine fondée en Europe au Moyen Âge, mais encore l'une des plus importantes.

    L'on ignore la date précise de sa création, les noms de ses fondateursils seraient au nombre de quatre : un Latin, un Grec, un Arabe et un Juif - et l'endroit où elle se dressait exactement.

    En revanche on sait que l'école dispensa, du IXe au XIVe siècle, un enseignement théorique et pratique de la médecine et de la chirurgie, fondé sur l'étude des textes anciens et sur l'examen des malades eux-mêmes (qui étaient hébergés dans la partie hospitalière de l'université).

    Entre la chute de l'Empire romain - 395 - 4 septembre 476 (Ve siècle) - et la Renaissance - Renaissance italienne fin XIVe siècle - début XVIe - l'école de Salerne joua un rôle inestimable dans l'histoire de la médecine.

    Bien qu'en excellents termes avec l'Église et, particulièrement, avec le proche monastère  du Mont-Cassin, était d'esprit résolument laïque et fut ouverte à toutes les nations, à toutes les religions. L'enseignement était prodigué de manière théorique et pratique, donc. Les femmes participèrent à l'enseignement, tout autant donné que reçu. On y étudia aussi les textes anciens.

    Les élèves qui en sortaient jouissaient d’un grand prestige. Grâce à Constantin l'Africain, moine au Mont-Cassin qui traduisit plusieurs ouvrages médicaux arabes en latin, à la fin du XIe siècle, l’école entre dans un âge d’or qui durera deux siècles.

    À partir du XIIIe siècle, l’école se dégrade. En 1811, elle est officiellement fermée par Joachim Murat (sous Napoléon)

    Trois grandes périodes de l'école de Salerne

    D'après Universalis

    1. La première, du IXe au XIe siècle, évoque l'école hippocratique de Cos : enseignement strictement laïque, étude des textes anciens grecs et latins.
    2. La deuxième concerne l'enrichissante introduction de la médecine arabe, grâce, en grande partie, à Constantin l'Africain ; ce nouveau courant donnera à l'école de Salerne un âge d'or s'étendant de la fin du XIe siècle à celle du XIIIe.

      Reproduction non datée d’une miniature médiévale de Constantin l’Africain

      Reproduction non datée d’une miniature médiévale de Constantin l’Africain
      (artiste anonyme, domaine public)

    3.  Puis s'amorce le déclin, assez rapide et, déjà tombée dans l'oubli au début du XVIe siècle, elle est officiellement dissoute en 1811.

    Historique de l'École de Salerme

    Contexte socio-politique

    D'après Wikipédia

    Salerne est fondée comme colonie romaine au IIe siècle av. J.-C. Elle acquiert une réputation pour son climat propice à la convalescence (Horace, XVe épitre), mais son importance politique ou économique reste insignifiante dans l'Antiquité tardive (IIIe-Ve siècle environ)

    Elle est refondée par les Lombards qui établissent une véritable cité, du port vers la colline qui le domine, et qui en font la capitale de la principauté de Salerne. À la fin du VIIIe siècle, Salerne est une cité prospère, frappant sur sa monnaie opulentia salerno. C'est un centre de production agricole et commercial de la Méditerranée, exportant céréales, bois et lin vers le monde musulman pour en recevoir épices, aromates et soie, surtout de la Sicile musulmane proche.

    Au XIe siècle, la ville compte, outre une toujours célèbre cathédrale de Salerne, au moins deux douzaines d'églises et neuf monastères dont trois féminins. Elle est alimentée par trois aqueducs permettant fontaines, bains publics et privés. Elle produit avec une relative abondance céréales, fruits et noix. Ce qui en fait l'une des villes les plus saines d'Italie.

    En 1076, la ville est prise par les Normands, qui reprennent la Sicile aux musulmans en 1091, fondant le royaume de Sicile. Les Normands transfèrent leur capitale de Salerne à Palerme en 1130. La ville de Salerne reste cependant une cité importante, avec son archevêché et son école de médecine.

    L'Italie du Sud était alors un mélange ethnique composé majoritairement de Lombards vivant selon leurs traditions germaniques, et de minorités : communautés parlant grec sous influence byzantine, communauté juive.

    Il n'existe pas de communauté musulmane résidente, mais la présence d'esclaves musulmans, et le passage de voyageurs ou commerçants musulmans sont attestés. Il ne s'agit pas d'une coexistence idyllique : les juifs et les musulmans sont soumis aux chrétiens, et les Lombards et les Grecs sont soumis aux Normands.

    Cependant ces différents antagonismes n'empêchent pas les échanges commerciaux et culturels, ce qui donne à la médecine de Salerne son caractère unique pour l'Europe de cette époque.

    Les retombées culturelles, scientifiques, médicales et inattendues des Croisades

    D’après Moyen-Âge Passion

    Des apports de la civilisation arabe sur la culture, autant que sur les pratiques philosophiques et scientifiques de l’Europe médiévale... Quoi qu’on en dise, les croisades fournirent une occasion de circulation des savoirs et dans l’Histoire des civilisations qui entourent le berceau méditerranéen, il semble  bien qu’elles aient, à leur manière, participé d’une dynamique d’échanges mais aussi de conquêtes qui n’a guère cessé au fil des âges, autour de notre méditerranée, et ce bien avant même l’émergence des trois grands religions monothéistes. [...]

    On accorde généralement aux croisades d’avoir apporté vers l’Europe médiévale, par l’Italie et notamment par les traductions des érudits de Salerne, la médecine et la science des arabes autant que leur amour de la philosophie grec et d’Aristote.

    Au même période, ces expéditions catholiques ne furent pourtant pas les seules sources des échanges. Dans l’autre sens, les conquêtes de l’Espagne par les Arabes avaient déjà impulsé des premiers transferts de savoir, et la médecine juive s’y exerçait aussi, autant qu’elle trouvait des foyers d’élection dans le sud de la France et la Provence.

    Il faut relire les pages de Jules Michelet et son Histoire du Moyen-Âge sur le Languedoc médiéval du XIIIe siècle pour comprendre à quel point ces terres étaient déjà riches d’apports ethniques et culturels méditerranéen au sens large.

    Dans le même ordre d’idée, on peut encore évoquer le rayonnement et l’ouverture de l'Université de Montpellier sur le monde à partir des XIe et XIIe siècles, et jetant un œil de l’autre côté du massif pyrénéen et vers la péninsule ibérique, il faut encore remarquer les œuvres d’un Alphonse de Castille qui au XIIIe siècle avait réuni autour de lui des savants et traducteurs de toutes les confessions : juive, musulmane et chrétienne dans une belle dynamique culturelle d’ouverture toute méditerranéenne.

    Débuts de l'École de Salerne

    D'après Passeport-SantéUniversalis - Wikipédia

    Le contexte de la création de la première école de médecine du Moyen-Âge est très peu documenté (date et emplacement exacts, membres fondateurs…). Selon La Porte du Theil, Salerne serait resté comme un reliquat de la médecine antique, à la fois clérical et laïque.

     

    Serment d’Hippocrate sous la forme d'une croix.
    Manuscrit byzantin du XIIe siècle (Wikipédia)

    Cependant, nul ne conteste l'influence de l'École de Salerne sur la pensée et l’enseignement médical. Entre le IXe et le XIVe siècle, on y enseigne la médecine et la chirurgie. La théorie se fonde sur l’étude de textes anciens tandis que la pratique s’exerce dans la partie hospitalière de l’université.

    Selon la légende, la fondation de l'école est due à quatre maîtres mythiques : le juif Helinus, le grec Pontus, l’arabe Adela et le latin Salernus, enseignant chacun dans leur langue. Cette légende contient une vérité symbolique : à partir du Xe siècle Salerne s'affirme comme un carrefour politique, commercial et culturel, recevant toutes les influences de la méditerranée (monde byzantin, juif et arabe) et de l'Europe du Nord (présence des Lombards, arrivée des Normands)

    Dès le IXe siècle, la réputation de Salerne s'étend à la Gaule franque. Les étudiants viennent de l'Europe entière et des pays bordant la Méditerranée y suivre un cursus laïque. Le diplôme décerné par l'École leur confère une estime et une réputation inégalables. Des femmes suivent l’enseignement de Salerne.

    La chronique de Richer de Reims rapporte la présence, en 947, d'un médecin laïque salernitain à la cour du roi des Francs Louis IV d'Outremer. Selon les lettres de Gerbert, Adalbéron, archevêque de Reims, se rend à Salerne en 969 pour y chercher des soins.

    Avant le XIe siècle et l'arrivée de Constantin l'Africain

    Salerne profite du voisinage du Mont-Cassin (situé à une centaine de km), où saint Benoît (480-v.547) avait créé un monastère en 529, avec hôpital et scriptorium (bibliothèque et moines copistes) doté de textes médicaux antiques. On y trouvait notamment des textes ou fragments attribués à Hippocrate, Galien et Caelius Aurélien.

    Période classique de l'École de Salerne

    D'après Wikipédia

    L'influence de l'école de Salerne atteint son apogée aux XIe et XIIe siècles. Cette période correspond aux dernières décennies du pouvoir lombard jusqu'à la chute des Hohenstaufen. Des ouvrages sont rapportés d'Orient par Constantin l'Africain, qui les traduit en latin grâce à sa connaissance de l'arabe, de l'hébreu, du syriaque et du persan.

    Sous l'impulsion d'Alfan, l’archevêque de Salerne qui accueillit Constantin l'Africain, l'école de Salerne reçoit le titre de "ville d’Hippocrate" (Hippocratica Civitas ou Hippocratica Urbs). Des visiteurs affluent du monde entier vers la Schola Salerni, qu'il s'agisse de malades dans l'espoir d’une guérison ou d'étudiants pour apprendre l'art de la médecine.

    La notoriété de l'École de Salerne franchit ainsi les frontières, comme le prouvent les manuscrits salernitains conservés dans les bibliothèques de nombreux pays européens, ainsi que de nombreux témoignages historiques : le poème Regimen sanitatis salernitanum attribué à Jean de Milan, donnait une origine salernitaine à l'œuvre, afin de bénéficier de la notoriété de l'institution et lui conférer une plus grande valeur pratique.

    Déclin de l'École de Salerne

    D'après Wikipédia

    À partir du XIIIe siècle, l'École de Salerne décline, elle ne produit bientôt plus de maîtres de renom. En fait ceux qui viennent étudier à Salerne animent à leur tour des écoles médicales partout en Europe, lesquelles deviennent les premières universités de médecine : Bologne 1180, Paris 1200, Montpellier 1220, Padoue 1222 *.

    En Italie, les écoles de médecine de l'université de Padoue et de l'Université de Bologne * ont peu à peu éclipsé l'école de Salerne, mais son prestige historique reste immense jusqu'au XVIIIe siècle, alors même que son existence est jugée problématique à partir du XVIe siècle par des historiens. Sa fermeture officielle en 1811 par Joachim Murat n'était peut-être que le constat d'un état de fait.

    En 1968, l'Université de Salerne * est refondée. 

    * Universités

    Carte des universités médiévales en Europe publiée en 1923

    Carte des universités médiévales en Europe publiée en 1923

    Bologne

    L'Université de Bologne (italien : Alma mater studiorum - Università di Bologna, UniBo) est une université italienne publique. Fondée en 1088, elle est souvent considérée comme une des plus anciennes universités du monde, après l'Université Al Quaraouiyine (à Fès, au Maroc) et la plus ancienne université en Europe.

    Montpellier

    Luniversité de Montpellier est un établissement d’enseignement supérieur et de recherche situé dans la ville de Montpellier (34), ayant existé entre 1289 et 1793, puis entre 1896 et 1970, et recréé en 2015. Connue comme possédant l’une des plus anciennes et des plus brillantes écoles de médecine du monde médiéval, Montpellier était aussi réputée pour l'enseignement du droit.

    Padoue

    L'université de Padoue (italien : Università degli studi di Padova) est une université italienne dont le siège est à Padoue (région de la Vénétie, au nord de la péninsule dans la plaine du Pô, à 40 km de Venise). Sa devise, adoptée dès sa création, est la suivante : « Universa Universis Patavina Libertas » L’université de Padoue est une des plus anciennes universités du monde. Elle a été fondée le 29 septembre 1222 par des professeurs et des étudiants ayant fui l’université de Bologne, du fait de l’atteinte aux libertés universitaires et aux privilèges qui avaient pourtant été garantis aux enseignants et à leurs élèves. L’université de Padoue fut créé en réponse à un besoin, induit par des conditions sociales et culturelles spécifiques, contrairement à la plupart des universités qui doivent leur fondation à une charte avec le pape. Elle s’installe en 1493 dans le Palazzo Bo (abrite un théâtre anatomique permanent longtemps considéré comme le premier de son genre), ce qui lui donnera son surnom de il Bô.

    Paris

    Il s'agit ici de l'université médiévale de Paris créée au XIIe siècle et fermée en 1793.

    L'université de Paris est l'une des plus importantes et des plus anciennes universités médiévales. Apparue dès le milieu du XIIe siècle, elle est reconnue par le roi Philippe II Auguste en 1200 et par le pape Innocent III en 1215. Elle acquiert rapidement un très grand prestige, notamment dans les domaines de la philosophie et de la théologie. Constituée comme l'association de tous les collèges parisiens situés sur la rive gauche, elle assure la formation de tous les clercs, c'est-à-dire de tous les cadres et agents administratifs des institutions royales (conseil d'État, parlements, tribunaux, cours des comptes, impôts…) et ecclésiastiques (enseignement, hôpitaux, libraires, recherche, évêques, abbés). L'université de Paris, après une longue période de déclin à l'époque moderne, est supprimée en 1793.

    Salerne

    L'université de Salerne (italien : Università degli studi di Salerno, souvent abrégé en UniSa) est une université italienne dont le siège est à Salerne, en Campanie (la Campanie, région d'Italie méridionale). Il existait à Salerne, au moins cinquante ans avant 1088 (fondée vers le IXe siècle, mais apogée aux XIe et XIIe siècles) une Ippocratica Schola medica salernitana, plus ancienne donc que l'université de Bologne, et dont la réputation s'étendait à travers l'ensemble du monde occidental. Les origines de cette faculté de médecine du XIe siècle font de l'université de Salerne l'une des plus anciennes, sinon la plus ancienne, université du monde. La faculté de médecine a néanmoins connu une activité discontinue, ayant même à une époque fermé ses portes, avant d'inaugurer en 2008 de nouveaux locaux.

     

    Maîtres et œuvres à l'École de Salerne

    Les médecins issus de l'École de Salerne jouissent d'une excellente réputation pour le haut niveau de leurs connaissances et de leur pratique.

    Maîtres de Salerne (liste) Wikipédia

    Une ''médecienne'' (femme médecin) peut-être Trotula de Salerne

    Une "médecienne" (femme médecin) peut-être Trotula (?-1097) de Salerne, tenant un flacon d'urine.
    De Miscellanea medica XVIII [(Folio 65 recto (=33 recto) début du XIVe siècle]

    Les "femmes de Salerne". Trotula, la première et la plus connue des Mulieres Salernitanae, y enseignait la gynécologie et laissa des ouvrages d'obstétrique et d'hygiène : les femmes étaient admises non seulement comme étudiantes mais encore comme praticiennes et enseignantes. L'on connaît aussi Abella, Rebecca de Guarna, Calenda. Ces femmes fondent ou font partie de dynasties médicales salernitaines, comme pour certains hommes.

    Constantin l'Africain

    D'après Moyen-Âge Passion

    Les apports de Constantin l'Africain (XIe siècle) ont rendu l’école célèbre. Venant de Kairouan, Constantin serait arrivé à Salerne vers 1077 avec sa bibliothèque, reçu par Alphan de Salerne. Vers 1080, il se retire au monastère du Mont-Cassin, pour y traduire un grand nombre de textes médicaux. Il meurt en 1087 ou avant 1098. (Suite Wikipédia)

    À partir du XIe siècle, l’École de Salerne entrera dans un âge d’or qui durera plus de sept cent ans. Cette impulsion sera due en grande partie à l’apport de la médecine arabe. En l’occurrence, on doit à Constantin l’Africain, un homme né sur le sol d’Afrique du Nord et à Carthage, d’avoir traduit les premiers ouvrages en latin. Ayant beaucoup voyagé, il arriva près de Salerne vers la fin du XIe siècle et, refusant la chaire que l’École lui offrit alors pour enseigner la médecine, se fit moine auprès du monastère bénédictin du Mont-Cassin situé non loin (lieu qui n’est autre que celui fondé par Saint-Benoît pour y établir son ordre en 529).

    Dans les années qui suivirent, Constantin l’Africain gratifia l’École de Salerne de traités et ouvrages de médecine qu’il rédigea alors. Ceux-ci firent autorité, et dit-on, la gloire du moine, qui dura plus de quarante ans. Moins d’un demi-siècle plus tard, on se rendit compte en traduisant des ouvrages de références de la médecine arabe que ce dernier en avait été le traducteur, plus que l’auteur. L’influence était donc déjà signée, on en avait simplement retrouvé les auteurs originaux.

    Les ouvrages du bénédictin resteront de grande importance mais seront bientôt supplantés, entre autres références, par l’incontournable Canon Medicinae d’Avicenne.

    ''Canon de la médecine''

    Regimen Sanitatis Salernitanum

    D'après Moyen-Âge Passion - Universalis - Wikipédia

    L'école doit aussi sa célébrité aux œuvres écrites, souvent collectives et anonymes, dues aux grands maîtres qui l'animaient.

    Flos medicinae vel regimen sanitatis salernitanum

    « Lecteur, tu désirais cette Fleur Médicale : Que d’elle, pour toujours, un doux parfum s’exhale. » Epigraphe du Flos Medicinae ou Fleur médicinale de l’École de Salerne.

    L'œuvre lea plus cékèbre de Salerne reste "La Médecine selon le régime sanitaire de l'école de Salerne" (Flos medicinæ vel regimen sanitatis Salernitanum ou Flos medicinae, Schola Salernitana, Regimen virile... les titres sont divers) dont les préceptes médicaux, rédigés vers 1060 en vers latins, étaient assortis de règles de morale, de déontologie et d'hygiène élémentaire.

    Cet ouvrage du XIe ou XIIe siècle, reproduit et augmenté jusqu'au XVIIIe siècle, est attribué à Jean de Milan ou le Milanais, personnage imaginaire, mais plus probablement à un collectif, car il s'agit d'un texte à visée pédagogique destiné à être appris par cœur.

    Page de titre de la première édition (Venise 1480) du Regimen Sanitatis Salernitanum

    Page de titre de la première édition (Venise 1480) du Regimen Sanitatis Salernitanum (titre imprimé ici : Regimen Sanitatis Salernitanum cum expositione magistri Arnaldi de Villanova Cathellano noviter impressus), avec commentaire d'Arnaldus de Villanova (le Catalan)

    L'ouvrage fut une des grandes références de l’École de Salerne, et son influence va durer des siècles pour être encore, jusqu’à la fin de la Renaissance, un texte considéré comme fondamental dans l’art d’exercer la médecine. Pour en donner la mesure, et même s’il date des XIe-XIIe siècles, entre le XVe et le milieu du XIXe siècle on en compte plus de 240 éditions.

    Il sera notamment abondamment commenté au XIIIe siècle par le célèbre médecin catalan Arnaud de Villeneuve (Arnau de Vilanova 1240-1311) sous le simple titre de Regimen Sanitatis. Élève lui-même de l’école de Salerne et de l’université de Montpellier, l’édition qu’il en fit connut une grande popularité et contribua encore à la propagation de ce savoir.

    Le Regimen est à l'origine d'une foule d'ouvrages sur la préservation de la santé. On en retrouve quelque chose dans les conseils d'hygiène que prodigue la presse contemporaine non spécialisée.

    Contributions à la pharmacologie et la botanique

    D'après Le jardin du guérisseur

    Ainsi, l’école de Salerne doit aussi sa célébrité aux œuvres qui y furent produites, souvent anonymes, qui firent autorité en Europe jusqu’à la fin du Moyen Âge, le Flos medicinae vel regimen sanitatis Salernitanum ("Fleur de la Médecine ou régime de santé de l’école de Salerne"), donc, mais encore le Circa Instans 1, l’Antidotaire de Nicolas 2...

    1 Le livre des simples médecines de Platearius (Gallica)

    1 Images Circa Instans, d'après les premiers mots d'un prologue de Platearius

    2 L'Antidotaire Nicolas, témoin de la pharmacie et de la médecine médiévales [archive] - Persée 

    2 Images Antidotaire de Nicolas

    1, 2 Platearius et l'Antidotaire Nicolas (PDF) - Persée

    Rôle et influence de l'École de Salerne

    D'après Wikipédia

    En médecine savante

    L'école a gardé vivante la tradition culturelle de la Grèce antique et de la Rome antique, la fusionnant harmonieusement avec les cultures de l'Orient (monde byzantin et musulman). Les maîtres de Salerne peuvent replacer la médecine dans l'ensemble du savoir humain.

    Les médecines

    Grèce antique

    Probablement inspirée par la médecine égyptienne, la médecine en Grèce antique remonterait à l'époque homérique. Elle ne prend toutefois son véritable essor qu'au Ve siècle av. J.-C. avec Hippocrate.

    Médecine arabe

    En histoire de la médecine, le terme "médecine arabe" ou médecine islamique fait référence à la médecine développée pendant l’âge d'or de la civilisation islamique médiévale et consignée dans des écrits en langue arabe, la lingua franca de la civilisation islamique. En dépit de ce que ces deux termes accolés pourraient le laisser croire, un grand nombre de scientifiques de cette période ne sont pas arabes. La richesse et la diversité des chercheurs orientaux ont contribué au développement de la science islamique à cette époque. Les traductions latines du XIIe siècle d’ouvrages médicaux écrits en arabe ont eu une influence significative sur le développement de la médecine moderne.

    Rome antique

    La médecine de la Rome antique hérite directement de la Médecine en Grèce antique. Les médecins utilisaient des techniques variées faisant appel à différents instruments et pratiquaient aussi, comme les Grecs, divers rituels religieux pour obtenir la guérison, car ils croyaient à l’origine surnaturelle de nombreuses maladies. La médecine était bien moins considérée qu'en Grèce, mais contrairement à la société grecque qui considérait que la santé était une affaire personnelle, le gouvernement romain encourageait l’amélioration de la santé publique. Aussi, à côté d'une médecine privée, s’était instituée une communauté médicale publique et les autorités croyaient à la prévention des maladies en améliorant les conditions sanitaires par la construction d’aqueducs pour amener l’eau dans les villes, la construction de bains publics et de réseaux d’évacuation des eaux usées. Beaucoup de grandes villes, comme Rome, se vantaient de posséder un système d'égouts performant, ce qui se fera de mieux dans le monde occidental jusqu'à la fin des XVIIe et XVIIIe siècles, mais les Romains n'avaient pas compris que les germes pouvaient être à l’origine de maladies.

    À noter, Végèce, écrivain romain (fin IVe début Ve s.) a produit 2 livres dont le succès ne s'est jamais démenti tout au long du Moyen Âge et de l'époque moderne, l'un sur la tactique militaire romaine, Epitoma rei militaris (ou De re militari), l'autre sur la médecine vétérinaire, Digesta artis mulomedicinæ.

    Survol rapide pour situer dans les grandes lignes

    Arabes : utilisations d'huiles essentielles (alambic *)

    Chine : méridiens, médecine énergétique

    Égypte : embaumement, usage du plâtre (fractures), chiropraxie et yoga

    Gréco-romainsmédecine et chirurgie de guerre (plaies, blessures diverses)

    Inde : ayurvéda, chirurgie réparatrice du visage et du nez (rhinoplastie)

    Juifs : médecine de prévention, prophylaxie

    Occident : usage des plantes médicinales, botanique et herboristerie

    * Arnaud de Villeneuve, recteur de la Faculté de Médecine de Montpellier, concocta toute une série de vins herbés et médicinaux. Il popularisa aussi la distillation de l'alcool grâce à l'alambic, ce qui permit l'élaboration des vraies liqueurs actuelles. Lu et suite dans Lexique "phyto-médical"

    Jusqu'au XIe siècle, en Europe, la médecine n'était pas comprise parmi les sept arts libéraux (grammaire, rhétorique, dialectique, arithmétique, géométrie, astronomie, musique) elle était art mécanique, sans vocation spéculative. Un art mécanique qui pouvait se placer à côté de l'agriculture ou de la cuisine (médecine des couvents, jardin médicinal, recettes de plantes).

    Les sept arts libéraux (Hortus Deliciarum ''Die Philosophie mit den sieben freien Künsten'')

    Les sept arts libéraux
    dans l'Hortus deliciarum de l'abbesse Herrade de Landsberg, 1180

    Ces maîtres appellent "philosophie" l'ensemble des savoirs humains basé sur la raison. Cet ensemble comprend, entre autres, la physique (physis, étude de la nature) qui se subdivise en science des corps célestes (astronomie), des corps terrestres (sciences physiques et naturelles), et du corps humain (médecine).

    La médecine est une théorie et une pratique, elle devient science au sens médiéval du terme, c'est-à-dire une discipline fondée sur un raisonnement. La théorie de la médecine est la science des causes, basée sur la vérité des principes ; la pratique de la médecine est la science des signes, basée sur l'observation. Il ne peut y avoir de pratique sans théorie préalable. Le médecin est alors praticien (practicos) et non pas simple opérateur (operatore).

    Outre l'enseignement de la médecine, on suivait donc aussi des cours de philosophie et de droit. Les pratiques juridiques et médicales avaient en effet une problématique commune : celle de l'application de principes généraux à des cas concrets particuliers.

    De nouvelles méthodes d'enseignement sont proposées, qui annoncent celles qui seront en usage dans les Universités européennes médiévales : la lectio (étude, interprétation et commentaire des textes), la quæstio (présentation d'un problème difficile), la disputatio (résolution des arguments contradictoires).

    En devenant universitaire, la médecine apparaît comme une discipline de pointe au XIIe siècle, car elle est la première, en Europe, à réaliser une telle synthèse dans le temps (depuis la Grèce antique) et dans l'espace (jusqu'à l'Asie centrale musulmane).

    En médecine populaire

    Le Regimen sanitatis de l'école de Salerne est à l'origine d'une foule d'ouvrages sur la préservation de la santé. "On en retrouve quelque chose dans les conseils d'hygiène que prodigue la presse contemporaine non spécialisée". Selon François Lebrun, difficile de distinguer en santé populaire ce qui relève d'anciens discours médicaux savants et de savoirs et pratiques pré- ou para-chrétiennes.

    Cependant, dès l'invention de l'imprimerie, apparaissent des "calendriers de bergers" donnant des conseils pour une vie longue, saine et heureuse.

    À partir du XVIIe siècle des livrets bon marché sont diffusés par les colporteurs avec des titres types comme L'Apothicaire ou Le Médecin charitable, ou encore Le médecin ou Le chirurgien des pauvres.

    Il s'agit non seulement de préserver sa santé, mais aussi de se soigner soi-même ou ses proches pour moins cher, en restant autonome. Ainsi, ce qu'on appelle aujourd'hui "remèdes de bonne femme" ou "recettes de grand-mère" pourraient être de lointains échos de l'école de Salerne.

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    Documentation

    Médecin au Moyen Âge : un long apprentissage pour une profession risquée

    D'après Moyen-Âge Passion

    Dès le XIIe siècle, il fallait plus de huit ans pour faire un médecin à Salerne : à trois années initiales de philosophie et de logique, viennent en effet s’ajouter cinq ans de médecine pratique et théorique, incluant la chirurgie.

    Même si l’évolution de la science médicale a alors de beaux jours devant elle, cela permet tout de même de mesurer le sérieux que l’on conférait déjà à l’exercice de la médecine.

    La profession n’en est pas pour autant, dénuée de risque puisque le moyen-âge connaîtra quelques médecins ainsi formés, exécutés ou brûlés pour n’avoir pas réussi à soigner de haut dignitaires religieux ou politiques un peu chatouilleux.

    D’autres encore furent même jetés en prison, après coup, bien que les ayant soigné. C’est le cas entre autre d’Arnaud de Villeneuve qui échappa de peu au Bûcher pour certaines de ses prises de position autant que pour sa pratique, bien qu’il avait soigné le pape Boniface VIII. Il fut d’ailleurs sauvé de justesse par ce dernier. 

    Corps humain - Signes du zodiaque

    L’utilisation que les médecins font alors de l’Astrologie ou certaines pratiques rituelles pas toujours intelligibles du point de vue chrétien, ont souvent été la source de controverses dont ils ont fait les frais, en se retrouvant frappés d’hérésie.

    Voir La pharmacologie jusqu'en 1900 (Cosmovisions)

    Codex (Lexique "phyto-médical" de Yantra)

    École de Salerne (Cosmovisions)

     

    Comment se soignait-on au Moyen-Âge ?

    Peste noire, famines et barbaries en tout genre, le Moyen Âge n'a pas bonne réputation. On y oppose les penseurs de l'Antiquité et les découvertes de la Renaissance. Est-ce pour autant une période d'obscurantisme pour la médecine ?  Voici pour qui s'intéresse à la théorie et à la pratique de la médecine à l'époque médiévale... (Suite Passeport-Santé)

    "Savez-vous ce qui a fait la transition entre le Moyen Âge [476-1492] et la Renaissance [XVIe siècle en France] ? La peste noire.  C'est seulement après la peste noire que le Moyen-Âge a pris fin, pour démarrer une nouvelle ère encore plus prospère, avec la Renaissance." (Roger Lannoy)

    Lu dans Des rappels de l'Histoire (Info Coronavirus Documentation)

     

    Petite chronique de l'usage médical du plâtre

    D'après Hôpital fribourgeois - Vidal - Wikipédia

    Les applications sont très variées : enduits, scellement ou chape, mortiers, moules et matière de moulages, éléments de construction, comme des plaques ou des structures isolantes à parois plâtre, carreaux, carreaux de cloisons, cloisons, revêtement de maçonnerie intérieure, murs, etc. mais aussi usages médicaux spécifiques : moulage de maintien des os fracturés, plâtre chirurgical, consolidation de bandage, etc.

    Durant l’Antiquité, alors que le reste du monde devait se contenter de quelques bouts de bois en guise d’attelle, les Égyptiens avaient déjà développé une technique quasi moderne. En cas de fracture (de l'humérus) le Papyrus Edwin Smith (plus ancien manuel de chirurgie connu) recommandait d'utiliser des attelles en bois rembourrées de coton, sur lesquelles étaient posées des bandelettes de lin mélangées à du plâtre, presque identique au "plâtre de Paris" utilisé de nos jours !

    Pour les embaumements, les Égyptiens utilisaient des bandelettes de lin collées ensemble dans lesquelles ils incorporaient du plâtre, ce qui ressemble aux techniques encore utilisées aujourd'hui.

    Vers le IVe siècle, le traité indien de médecine ayurvédique Sushruta Samhita * décrivait l'application sur le membre, après réduction de la fracture, d’une sorte de plâtre, mélange de poudre d'écorce d'arbre mélangée à de la colle et de la farine, avant la mise en place d'une attelle en bois.

    Vers la fin du Xe siècle, le célèbre chirurgien persan Abu Al-Qasim (Aboulcassis v.940-v.1013), "père de la chirurgie moderne", invente un plâtre pour immobiliser un membre – un mélange d’oxyde de calcium et de blanc d’œuf moulé directement sur le membre atteint, après réduction de la fracture (S/Encyclopédie médico-chirurgicale Al-Tasrif).

    Au XIXe siècle, cette méthode est importée en France par Dominique-Jean Larrey (1766-1842), chirurgien en chef de l'armée impériale de Napoléon 1er.

    À partir de 1955, des résines sont ajoutées, puis, à la fin des années 1960, les "plâtres" synthétiques apparaissent : résines polymères synthétiques "moulables" à froid et matériaux thermoplastiques "moulables" à chaud. Les bandes plâtrées, moins rigides, sont toujours utilisées aujourd'hui, malgré une baisse de la cote du "plâtre de Paris" et l'explosion de celle du plâtre synthétique, et ce en dépit d'effets secondaires parfois très invalidants.

    XXIe siècle : "Cortex", un prototype prometteur de "plâtre" imprimé en 3D (Vidal)

    * Sushruta Samhita [en] (traité indien de médecine ayurvédique v.400-200 av. J.-C.) - Wikipedia

     

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    Sources

    Hôpital fribourgeois ("L'imbattable plâtre" [archive])

    Le jardin du guérisseur

    Moyen-Âge Passion (intéressant)

    Passeport-Santé

    Universalis

    Vidal ("Contention orthopédique : le plâtre du futur sera-t-il imprimé en 3D ?" [archive])

    Wikipédia

     

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    Liens externes

    Domaines de la santé

    Ambroise Paré, accoucheur (PDF) - Société française d'Histoire de la Médecine

    Chirurgie orthopédique, un peu d’histoire (Yves Djermag)

    Obstétrique : Versions par manœuvres externes [archive] (Dictionnaire médical de l'Académie de Médecine)

    Phytothérapie : un bref historique (Le Chemin de la Nature) épisode 1

    Phytothérapie : qui la pratique ? (Le Chemin de la Nature) épisode 2

    Plantes "maléfiques" vs plantes "bénéfiques", est-ce raisonnable ([Books of] Dante)

    Pots pharmaceutiques (XVIIe siècle) - Books of] Dante [archive]

    Histoire

    Antiquité tardive (IIIe-Ve siècle environ) - Wikipédia

    La chute de Rome - Chevauchées barbares (IIe-Ve siècle) - Hérodote.net

    Les causes de la chute de l'Empire romain (Ve siècle) - Futura-Sciences

    Moyen Âge (Ve-XVe siècle) - La Toupie

    Renaissance (Renaissance italienne fin XIVe siècle - début XVIe) - La Toupie

    Noms

    Ambroise Paré (1510-1590) - Wikipédia

    Les blessures de guerre selon Ambroise Paré (1510-1590)

    Les blessures de guerre selon Ambroise Paré.
    Ambroise Paré (1510-1590) est considéré comme le père de la chirurgie. Il laisse un volumineux traité de chirurgie en Français et non en latin, tiré de son expérience des champs de bataille. Il adopta le premier la ligature des vaisseaux au cours des amputations (Yves Djermag)

    Jules Michelet (1798-1874) Apogée de l'Europe (Hérodote)

    Rhazès (865-v.925) - Wikipédia

     

    Ambulances

    Dominique-Jean Larrey (1766-1842) ambulances chirurgicales mobiles
    (medarus.org) [archive plus ancienne]

    Ambulance (Lexique "phyto-médical")

    Ambulance volante à deux roues et deux chevaux (choix d'images)

    Baron Jean-Dominique Larrey et ambulances volantes (archive) - Netpompiers

    Organisation du service 
des ambulances (Le Souvenir Napoléonien) [archive]

    Triage médical : Approche égalitariste (Wikipédia)

     

     

     

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